La dynastie Dayan

Une exposition photo offre une perspective de l’intérieur sur la plus illustre famille d’Israël

Les ancêtres de la famille Dayan en Ukraine (photo credit: PR)
Les ancêtres de la famille Dayan en Ukraine
(photo credit: PR)
Les Etats-Unis ont les Kennedy et les Rockefeller. La Grande-Bretagne a toute la noblesse terrienne et, bien sûr, la famille royale. Quid d’Israël ? Là, c’est un peu plus compliqué.
La « grande bourgeoisie » locale recouvre différents types de personnes, de ceux liés au gratin militaire et/ou politique, à ceux qui ont accumulé d’énormes richesses au fil des ans. La dynastie Dayan, via ses différentes branches, appartient à la première catégorie. Une exposition photo, visible actuellement au musée de Beit Shturman au kibboutz Ein Harod, offre l’opportunité de voir de près tout ce beau monde.
Conçu par Guy Raz, Album de famille réunit toute la crème de l’« aristocratie » israélienne, héros de la presse people et bien plus que cela. Selon le commissaire de l’exposition, le clan Dayan arrive probablement en tête du peloton, puisant ses racines parmi les pionniers et fondateurs du pays.
« Avant d’aborder l’aristocratie israélienne, on a d’abord celle de la Vallée », note-t-il. La région en question n’est autre que la vallée de Jezréel, considérée comme le berceau de plus d’une start-up sioniste, bien avant l’avènement de l’Etat d’Israël. Parmi ces communautés emblématiques, Tel Adashim et Nahalal. La famille Dayan est originaire de ce dernier, le premier mochav du pays établi en 1921.
Les aristos israéliens
Le nom Dayan évoque naturellement l’image du plus célèbre bandeau sur l’œil, porté par le chef d’état-major de l’armée israélienne et ministre de la Défense Moshé Dayan. Mais la famille et ses diverses ramifications regorgent de célébrités. Comme le défunt président Ezer Weizman ; ou encore Yigal Hurvitz, ministre des Finances sous Menahem Begin, avant de rejoindre le parti Telem, fondé par le cousin Moshé.
Plus loin dans la lignée, on trouve le fameux acteur réalisateur Assi Dayan et sa sœur, l’écrivaine et députée Yaël Dayan, respectivement fils et fille du héros de la guerre des Six Jours ; il y a aussi le neveu de Moshé Dayan, le journaliste, écrivain, poète et compositeur de renom Yehonatan Geffen, son fils, le chanteur de rock, Aviv Geffen, ou encore sa fille, l’écrivaine et actrice Shira, mariée à l’écrivain de renom international, Etgar Keret. Une belle brochette et la preuve irréfutable de la place prépondérante qu’occupe la famille Dayan au sein de la « noblesse de robe » dans cette partie du Moyen-Orient.
« Si l’on parle culture, c’est sans doute la famille Banaï qui remporte la palme », avance Raz, « mais au niveau du pays, les Dayan sont les plus aristos du lot. Ils sont aussi la famille la plus photographiée. »
Une manne, bien sûr, pour tout le monde, et en particulier pour Raz, lorsqu’il a préparé son exposition. Les clichés qu’il a sélectionnés parmi les piles d’albums photos de la famille offrent une galerie de portraits impressionnante. La documentation chronologique commence avec les ancêtres du clan Dayan, la famille Haya, juifs d’Ukraine, qui nous ramène au début du XXe siècle. Shmuel Dayan, le père de Moshé et sa famille sont là, tout comme son grand-père, Avraham Dayan.
La liste des photographes de la famille est également remarquable, avec des œuvres de Micha Bar-Am, Zoltan Kluger, Micha Kirshner et Vardi Kahana, tous lauréats du prix Israël. « On peut ainsi analyser l’évolution de la photographie en Terre d’Israël à travers les clichés d’une seule et même famille », affirme Raz.
Trios et quatuors
Album de famille présente des images intrigantes sur le plan historique, en parallèle avec des clichés immédiatement identifiables. Malgré sa vaste expérience dans le domaine des expositions photographiques, aborder une foule de personnages aussi connus représentait pour Raz un défi majeur. Le conservateur était-il lui-même impressionné par les personnages en question ? « Peut-être un peu au début », concède-t-il, « mais très vite, le travail prend le dessus : il faut choisir comment l’on va montrer les images. »
Avoir autant de matière première à sa disposition constitue, certes, un avantage évident, mais encore faut-il trouver quelque chose de frais et nouveau à proposer au public. Plusieurs clichés exposés à Beit Shturman, publiés dans la presse, en ligne ou à la télévision au fil des ans, seront sans doute familiers à bon nombre de visiteurs. Mais la grande majorité constituera une révélation pour le grand public.
« C’est toute la gageure », explique Raz. « Offrir une nouvelle perspective sur des célébrités, tout en adaptant la collection à l’espace. Par exemple, le mur où sont exposées les œuvres de Micha Kirshner et de Vardi Kahana est une section majeure de l’exposition. La photo de style « papier glacé » de Kirshner, des années 1980 et 1990, trouve toute son expression sur ce mur. » La palette stylistique est en effet aussi étendue que l’intervalle chronologique et aussi variée que les personnages qui composent cette famille israélienne des plus illustres.
L’exposition constitue aussi un indicateur qui reflète l’évolution de la société israélienne et des sensibilités sociales et politiques du pays. Comme à travers les portraits originaires des premiers jours de Nahalal, tel ce cliché évocateur de Moshé Dayan, sa mère Dévora et sa sœur Aviva, pris au mochav en 1925 par un photographe inconnu. Ou la photo classique de Shmuel Dayan qui pose derrière une maison et une charrue, dans un cliché débordant d’esprit pionnier signé Kluger en 1947.
Un peu plus convivial, au sens contemporain du terme : un monochrome fascinant de 1975, signé Yakov Agor, montrant Yehonatan Geffen avec sa femme Nourit et sa progéniture, Shira et Aviv. L’un des clichés les plus attachants figure un délicieux trio de frères et sœur, pris en 1960 par le journaliste et critique de cinéma italien Guglielmo Biraghi, des enfants de Ruth et Moshé Dayan : Assi, Yaël et Oudi.
Ruth, la première femme de Moshé Dayan, qui a récemment fêté son centième anniversaire, apparaît dans ce qui constitue probablement la photo la plus chargée d’émotion parmi les 72 exposées. Prise
en 2009 par Tomer Noiberg, elle montre un Assi Dayan visiblement mal en point, aux côtés de sa mère soucieuse, mais imperturbable. Le cliché a été pris en coulisse, avant la cérémonie des Ophirs de l’Académie israélienne du cinéma et de la télévision, au cours de laquelle Assi s’est vu remettre un prix pour l’ensemble de son œuvre.
Masculin et féminin
Album de famille est également une sorte de fresque historique. « Un anthropologue pourrait, à partir de l’exposition, mener une recherche sur l’évolution de l’habillement au cours du siècle dernier », ironise Raz. « On trouve ici d’innombrables sources d’information. On peut voir comment, par exemple, les photos étaient prises à Jérusalem ou dans la vallée de Jezréel. »
Impossible de passer sous silence les œuvres de Kahana, sans doute les plus accrocheuses et controversées du lot, comme cette photographie saisissante qui campe Nourit et Aviv Geffen, ce dernier posant en Jésus agonisant dans les bras de sa mère, elle-même dans le rôle de Marie. Une référence non déguisée à la représentation de la Piéta dans l’art chrétien. Le cliché a été pris en 2003, dix ans après le fameux nu d’Aviv, coupé autour des « parties sensibles » du jeune rockeur alors âgé de 20 ans, ce qui lui donne une nette allure androgyne. L’image, qui à l’époque avait fait scandale dans le pays, accentue l’aspect oxymoron de la dynastie Dayan, truffée de héros politiques, militaires et pionniers. « Il y a le côté masculin de la famille – les militaires et les hommes politiques – et le côté féminin », souligne Raz. « Cette image d’Aviv se rapporte au côté féminin. On dirait qu’il faut aller voir du côté des femmes si l’on cherche la paix », plaisante-t-il. 
Jusqu’au 11 novembre
Renseignements : 04 648 63 37
www.beit-shturman.co.il
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