Emmenez-moi… voir Aznavour

Il chante depuis 70 ans. Infatigable, indémodable, incontournable, il est surtout formidable !

Charles Aznavour chantera à Tel-Aviv (photo credit: DR)
Charles Aznavour chantera à Tel-Aviv
(photo credit: DR)
La Bohême, La Mama, Je m’voyais déjà, Hier encore, Comme ils disent… Son influence sur la culture musicale française est immense. Artiste culte, aimé des Français et des francophiles, toutes générations confondues, ses tubes se comptent par milliers et résonnent aux quatre coins de la planète, en huit langues différentes : autant de moments de vie, intemporels, universels, chantés avec l’âme de l’errance et le cœur d’un homme, de partout et d’ailleurs. Du haut de son mètre soixante, le Grand Charles est une légende vivante. Ce n’est pas pour rien si CNN l’a sobrement surnommé « l’artiste du siècle ».
Mais Aznavour, c’est aussi le tourbillon des chiffres : trois mariages, six enfants, 70 ans de carrière, 1 300 chansons, près de 300 albums, 180 millions de disques vendus à travers le monde, 80 films…
A 93 ans, l’auteur, compositeur, interprète, écrivain, acteur et diplomate français est au cœur d’une nouvelle tournée mondiale de plus d’un an, qui le conduit de l’Amérique à Moscou, en passant par Hong Kong, Sidney, Beyrouth, Mexico et aussi Israël, où il chantera au Menorah Mivtahim Arena de Tel-Aviv le 28 octobre prochain.
Apprécié de tous
Difficile aujourd’hui de croire que sa carrière a eu quelque mal à décoller. Lancé par Edith Piaf en 1947, Aznavour ne rencontrera véritablement le succès qu’une décennie plus tard, en 1957, lorsqu’il triomphe à l’Olympia. Depuis, ses décorations et remises de prix se comptent par centaines. La dernière en date : une étoile à son nom sur le célèbre Walk of Fame de Los Angeles, inaugurée par l’artiste le 24 août dernier. Officier puis commandeur de la Légion d’honneur, il a également reçu le prix Scopus de l’Université hébraïque de Jérusalem en 2011, pour sa contribution culturelle.
Son premier contact avec l’Etat juif remonte à 1948. « Je crois que je suis le premier chanteur à avoir visité Israël juste après sa création », a ainsi déclaré l’intéressé. Très populaire en Israël, il y a fait salle comble en 2013 et 2014 sous la houlette de la société de production Hélicon. Cette année, c’est le producteur Gad Oron, qui est à l’origine de sa venue.
Amoureux de toujours du répertoire français – il a d’ailleurs produit Bécaud en Israël en 1963 – Oron fonctionne aux coups de cœur. Pour lui, inviter une nouvelle fois Charles Aznavour en Terre promise, est une évidence : « Il fait actuellement une tournée internationale de premier plan. Et c’est sans doute une des dernières possibilités pour le public israélien de le voir sur scène. » Et puisqu’Aznavour – qui avait un jour déclaré qu’il pourrait vivre à Tel-Aviv, pour son mélange entre l’Orient et l’Occident – « souhaitait beaucoup revenir », l’affaire a vite été entendue.
Pour Oron, la question ne se pose pas : Aznavour est une valeur sûre. « Il fait partie de cette génération de chanteurs français comme Montand, Brel, Bécaud, qui ont bénéficié d’une véritable popularité ici, dans les années 1960. Ils étaient très connus et aimés, non seulement des Français d’origine ou des immigrants francophones d’Afrique du Nord, mais aussi de l’ensemble des Israéliens. Aujourd’hui, son public a vieilli, mais il lui est resté fidèle. »
C’est donc essentiellement à cette génération de 50 ans et plus que Gad Oron s’adresse. La production n’attend pas particulièrement un public francophone le 28 octobre prochain, mais des Israéliens de souche, d’un certain âge, « qui continuent à mener une vie active et sont à la recherche d’événements de qualité. Ce sont des consommateurs, et des consommateurs exigeants, qui savent ce qu’ils veulent », affirme le producteur. « Ils sont friands de culture, et aiment ce qui leur rappelle leur jeunesse. L’Israélien est très nostalgique. » A en croire Oron, le pari est en passe d’être gagné. Les 7 000 places du stade, vendues entre 295 et 795 shekels, partent bien.
Pour Gad Oron, produire un nonagénaire ne pose aucune difficulté particulière. « Au contraire, tout se passe admirablement bien avec l’entourage du chanteur, qui est très professionnel. C’est pour nous un événement relativement facile à monter. » En Israël, Charles Aznavour proposera le même spectacle qu’il présente partout ailleurs à l’étranger. Sur scène, il sera accompagné de neuf musiciens et choristes, dont sa fille Katia, avec laquelle il interprète un duo.
Certaines de ses chansons ont été traduites en hébreu et interprétées par Matti Caspi, ou la chanteuse Noa. Mais Gad Oron insiste : « Tous ses titres sans exception sont connus du public israélien qui aime son style. » Le producteur s’attend donc à ce que la salle donne de la voix pour accompagner son idole. Quant à l’éventualité d’une chanson en hébreu, il ne sait pas. « Certains artistes préparent parfois des surprises à leur public israélien, mais en ce qui concerne Aznavour, je n’en sais rien. »
Un artiste apolitique
Fidèle à ses racines, Aznavour n’a de cesse de soutenir l’Arménie depuis le tremblement de terre qui l’avait ravagée en 1988. Il en est d’ailleurs l’ambassadeur en Suisse et le représentant permanent auprès de l’ONU. Homme de paix qui œuvre dans l’humanitaire, il s’interdit toute considération politique. Régulièrement interrogé sur le processus de paix israélo-palestinien, il a toujours refusé de prendre position. Pluraliste dans l’âme, il déclare respecter tous les peuples et toutes les religions, et se dit fier de sa « famille Benetton », comme il l’appelle, lui qui a un petit-fils juif et une petite-fille musulmane.
Incontournable pour le grand public, Aznavour l’est aussi pour l’establishment. Partout où il va, il est reçu par les plus grands. Lors de ses précédents passages en Israël, il avait ainsi rencontré le président Shimon Peres. Cette année encore, les invitations affluent. Mais les consignes du management parisien de l’artiste sont claires : Charles Aznavour ne souhaite rencontrer aucun politicien israélien. « Nous recevons de nombreuses demandes d’entretien, de différentes institutions de premier plan, nous en prenons bonne note et les transmettons », se contente de déclarer Gad Oron.
Interrogé sur d’éventuelles pressions pour décourager l’artiste de venir en Israël, le producteur relativise. « Oui, il a peut-être été interpellé à ce sujet, mais aujourd’hui, les appels au boycott ne sont plus ce qu’ils étaient il y a quelques années. Les artistes qui veulent venir, viennent. Et comme Charles Aznavour le veut vraiment, il n’y a aucune raison qu’il se laisse influencer par qui que ce soit. »
Dès le lendemain du spectacle, l’infatigable artiste reprendra la route pour poursuivre sa tournée internationale. 
Charles Aznavour en Israël
28 octobre au Menorah Mivtahim Arena de Tel-Aviv
Réservations : *8780 ou www.leaan.co.il
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