Un petit morceau d’histoire

Le minuscule quartier de Merhavia à Jérusalem comporte un musée, plusieurs maisons de personnages historiques et la résidence du president.

JFR P20 370 (photo credit: Shmuel Bar-Am)
JFR P20 370
(photo credit: Shmuel Bar-Am)
Coincé entre le quartierjuif de Kiryat Shmouel et le riche quartier arabe de Katamon, le minusculeMerhavia menait une paisible existence jusqu’à ce fameux 29 novembre 1947 oùl’ONU décida de diviser la Palestine en deux, le plaçant en première ligne.Certes, les actions brutales menées par des Arabes dans les quartiers juifsn’avaient pas manqué jusque-là, mais, dès lors, les violences se sontmultipliées de façon drastique.
L’actuelle rue HaPalmach, située juste dans la ligne du feu, a essuyé le plusgros des attaques. Ce n’est qu’à la fin avril 1948 que le calme est enfin venupour ce petit quartier.
Merhavia ressemble peu aux autres quartiers juifs antérieurs à l’Indépendance,qui avaient pour vocation de loger les nécessiteux, de désengorger la VieilleVille ou de respecter le commandement biblique de « prendre possession » de laterre d’Israël. Il est né d’une entreprise purement commerciale menée en 1936par l’homme d’affaires Reouven Zilberstein. Quand, avec deux associéschrétiens, ce dernier achète le terrain de l’actuel Merhavia, il a pourobjectif de le revendre à des promoteurs et à des particuliers. Ceux-ci ybâtiront des immeubles et des maisons en vue de les louer ou de les vendre et,dans quelques cas, pour leur utilisation personnelle.
Il y a encore quelques dizaines d’années, on ne trouvait pas une seulesynagogue dans ce quartier résolument laïc, qui tenait pourtant son nom de laBible (Psaume 118 : 5) : « Du fond de ma détresse, j’ai invoqué l’Eternel : Ilm’a répondu [en me mettant] au large [Merhavia] ».
Une maison sur pilotis 
Entamez une petite promenade circulaire dans ce quartiertrès particulier de Jérusalem avec le musée d’art islamique Mayer, que voustrouverez à l’extrémité d’HaPalmach, à l’angle de la rue Hanassi. Avec sapetite dizaine de salles, c’est l’un des plus charmants de la ville. Ilprésente des milliers d’objets que les musulmans utilisaient dans leur vie detous les jours au fil des siècles. Des objets si élégants et élaborés que lesexperts les placent dans la catégorie de l’art fonctionnel.
Une magnifique jarre peinte venue d’Egypte et datant du Xe siècle, unefabuleuse verrerie des IXe et Xe siècles et des harnachements de chevalornementaux venus de l’Inde du XVIIIe siècle ne représentent que quelquesexemples des pièces fascinantes que l’on peut admirer, notamment dans la salledes bijoux. Vous verrez aussi une assiette égyptienne verte et jaune du IXesiècle ornée d’un dessin très coloré et un service à jus de grenade iranienvieux de quinze siècles.
Le musée s’est surtout rendu célèbre par sa superbe collection de 200 montreset horloges anciennes : montres en or de Paris, outils d’horloger, pendulemusicale du XVIIIe et horloge à billes. Incroyable mais vrai, cette collection(qui comprend une montre en or et cristal d’une valeur inestimable, créée pourMarie-Antoinette) a été récupérée en 2006 après avoir été volée en 1983.
Engagez-vous ensuite dans la rue HaPalmach et tournez dans l’allée qui jouxtele musée. Une grille verrouillée porte le numéro 10 : postez-vous devant,regardez sur votre droite et vous découvrirez une maison sur pilotis. Il enexiste quelques-unes de ce genre à Tel-Aviv, mais elle n’a pas son égale dansle quartier. Reouven Zilberstein l’a construite en 1940 pour y habiter avec safemme Orna. Elle est invisible de la rue à cause des constructions plus hauteset plus récentes qui l’entourent, mais à l’époque, il n’y avait là que du sableet la vue sur la Vieille Ville était magnifique.
Avant-poste de la Haganah 
La maison représentait donc une cible privilégiée destirs arabes venus du quartier de Katamon, en contrebas.
L’une de ces attaques survient en février 1948, le jour où Zilberstein marieson fils Herbert.
Les invités s’enfuient en toute hâte. De l’extérieur, peu de choses ont changédepuis, aussi peut-on penser que les trous qui marquent la façade datent decette époque. Les balcons sont larges et, derrière les pilotis, vous apercevrezune porte vitrée couverte de barres décoratives.
Retournez-vous à présent et cherchez le numéro 9, en face.
L’immeuble actuel occupe l’emplacement d’une maison construite en 1937 aumilieu de grands espaces désertiques par le Dr Walter Katz, immigrant allemand.Une maison bâtie à base de morceaux préfabriqués que Katz avait fait venir del’Allemagne nazie : le prix à payer pour récupérer une partie des biens qu’ilavait dû laisser derrière lui ! Au cours des premiers mois de la guerred’Indépendance, Katz commandait cette zone pour la Haganah et la maisonfamiliale servait d’avant-poste à l’organisation. Son fils Yoram, âgé de 12ans, participait à l’effort de guerre en montant la garde, en nettoyant les armeset en les transportant d’un endroit à un autre.
Passez le numéro 12 et remontez l’allée du numéro 14 (indiqué sur le côté del’immeuble). En montant l’escalier, vous pourrez encore voir la maison desZilberstein sur votre droite.
Tournez à gauche dans un court passage, juste au-dessous de la dernière voléed’escaliers, et vous atteindrez une large étendue de verdure où se dressent desarbres gigantesques : des pins de Jérusalem, un énorme palmier, d’immenseseucalyptus et un cèdre qui ressemble à un sapin de Noël.
Plusieurs bancs permettent de profiter de cette atmosphère bucolique.
Les trois longs bâtiments bas que vous voyez sur la gauche sont appelés lesmaisons Biberman (Batei Biberman), du nom de leur constructeur. Situées entreles rues HaPalmach et Ben-Avi, elles datent du milieu des années 1940. Pendantla guerre, l’abri anti-bombes du sous-sol s’est révélé une excellente cachettepour la Haganah et représentait, en outre, un lieu sûr pour essayer lesnouvelles armes et apprendre à tirer aux nouvelles recrues. 
Sur les lieux ducrime 
Une fois disposés à quitter votre banc, traversez le jardin etredescendez (à gauche) sur HaPalmach en passant devant un parterre de fleurs etun adorable poivrier. Vous déboucherez à la hauteur du numéro 18, près d’unpetit centre commercial. Jetez un coup d’oeil à la table minuscule placéedevant le traiteur du 18b, où Netiva Ben-Yehouda est venue s’asseoir chaquejour jusqu’à sa mort, il y a deux ans, à l’âge de 83 ans. Courageusecommandante du Palmach, la fougueuse Netiva a pris part à de nombreux combatspendant la guerre d’Indépendance. Plus tard, avec Dahn Ben-Amotz, elle acoécrit un dictionnaire humoristique de l’argot hébreu. De 1995 à 2009, elle aanimé, sur Radio Israël, une émission nocturne où elle discutait avec lesauditeurs et passait de vieilles chansons israéliennes.
Un crime célèbre a été commis en face, sur la place Ben-Zion Guini, du nom dupremier ingénieur juif de la ville. La victime était le comte Folke Bernadotte,médiateur nommé par l’ONU. Bernadotte venait de mettre au point une propositiond’accord dont il espérait qu’elle ferait cesser les combats pour l’indépendanced’Israël. Parmi ses suggestions : donner le Néguev aux Arabes et faire revenirles réfugiés arabes sur les territoires contrôlés par les Juifs.
Le 17 septembre 1948, craignant que le nouveau gouvernement israélien n’acceptece plan, des membres du groupe Stern ont tendu une embuscade au niveau de cetteplace. L’un d’eux a tué Bernadotte et son aide, André Sérot.
Descendez la rue Hagdoud HaIvri, où se dressent d’autres pins gigantesques,puis tournez à gauche dans Mevo Yoram.
Cette petite rue doit son nom à Yoram Katz, le fils de Walter Katz, tué en 1955dans des échauffourées avec les forces syriennes sur la rive est du lac deTibériade. Il avait 19 ans.
Vers le bois de la lune 
Les quatre histoires rattachées au numéro 5 de la ruedatent des années 1950. Le bâtiment est parfois appelé la Maison des consuls,car plusieurs de ses habitants étaient diplomates. Yemima Chernovitz, auteurbien connu des enfants qui ont grandi en Israël à cette époque, y a vécu.
L’animateur de télévision Gil Hovav a pour sa part grandi dans la maison d’enface, au 6, Mevo Yoram. Hovav a commencé sa carrière de journaliste en parlantdes bars de Jérusalem dans l’hebdomadaire local Kol HaIr. Aujourd’hui, on leconnaît comme chef cuisinier et ce sont plutôt les restaurants qu’il fréquente.Gil Hovav anime des émissions de cuisine très populaires à la télévision. Aunuméro 9, habitait l’écrivain, dramaturge et critique littéraire Nathan (Agmon)Bistritzky.
Un haut pin de Jérusalem domine cet édifice bien préservé, construit dans lesannées 1940. Situé à l’extrémité sud de Merhavia, c’était à l’époque l’un desrares bâtiments du quartier à appartenir à des juifs.
Né en Ukraine, Bistritzky a immigré en 1920 et rejoint les agriculteurspionniers du village de Betaniya. Bien connu pour ses personnages controversés,comme le messie autoproclamé Shabbataï Tzvi et Judas Iscariot, il a travaillé30 ans pour le KKL comme responsable de la jeunesse et de l’information.
En poursuivant dans la même direction, vous parvenez à un sentier menant àHourshat Hayareach (bois de la lune), plein de vieux chênes et de pins, defleurs et d’amandiers. Dans les années 1980, les promoteurs ont fait des piedset des mains pour acquérir ce terrain, planté d’arbres au XIXe siècle pourentourer une léproserie. L’âpre combat mené par les écologistes et lesriverains a cependant porté ses fruits et le terrain a fini par être classé « jardinpublic ».
Rue Chopin, la bien nommée ? 
Enfin, le sentier se termine par quelques marchesmenant à la rue Chopin. Le célèbre compositeur et pianiste virtuose polonaisest tenu par beaucoup pour un antisémite, mais en 1960, à l’occasion du 150eanniversaire de sa naissance, son nom a néanmoins été attribué à cette rue,peut-être parce qu’elle avait été choisie pour accueillir le futur théâtre etla salle de concert de Jérusalem.
Commencée en 1964 et achevée en 1971, la construction du théâtre a été principalementfinancée par la famille de philanthropes Sherover. Une aile abritant la vastesalle de concert Henry Crown et deux auditoriums plus petits a ensuite ouverten 1986. La place Miles Sherover, devant l’entrée principale, comporte unegrande statue en béton, oeuvre du fameux sculpteur Yehiel Shemi. Son nom, trèsimaginatif : « Sculpture en béton ».
De retour dans la rue Chopin, passez l’entrée secondaire du théâtre etarrêtez-vous devant le centre communautaire Maalot et la synagogue Ohel Nehama,construits par le célèbre architecte David Cassuto. L’association à but nonlucratif qui gère ce bâtiment peu commun, inauguré dans les années 1980,propose des cours de judaïsme en hébreu et en russe pour nouveaux immigrants.Elle va également chercher des enfants éthiopiens habitant des quartierséloignés pour leur faire suivre des cours de bar et batmitzvah.
Enfin, elle collecte et distribue des vêtements et des meubles pour desfamilles nécessiteuses (appelez Freddy Siesel au 054.567.2242 si vous avez deschoses à donner).
Juste à côté, le centre juridique de Jérusalem Israël Bar a été achevé en mêmetemps que son voisin. Un large escalier mène aux trois arches qui composentl’entrée de cet édifice moderne plutôt original.
Tournez dans la rue Hanassi, qui borde Kiryat Shmouel. C’est là que vit notreprésident. Terminez votre promenade chez lui, au 15 rue Hanassi (le premierbâtiment de Merhavia), puis, si ce n’est pas encore fait, allez visiter lemusée d’art islamique, en face. Celui-ci est ouvert 7 j/7 et accessible auxhandicapés.
Pour en savoir plus sur les horaires et les tarifs, consultez le sitewww.islamicart.co.il/. Pendant les vacances scolaires, des ateliers et desspectacles pour enfants sont organisés.