Hanin Zoabi persiste et signe

Cette fois, la Cour suprême n’a pas pris sa défense. Les juges ont été choqués par la haine de ses propos et ont confirmé son exclusion de la Knesset pour 6 mois.

Hanin Zoabi persiste et signe (photo credit: AMMAR AWAD / REUTERS)
Hanin Zoabi persiste et signe
(photo credit: AMMAR AWAD / REUTERS)
Dans une interview exclusive, la députée se confie au Jerusalem Post et accuse Israël de déformer ses propos.
Quelques minutes après le début de l’entretien, Hanin Zoabi est interrompue par son assistant. Il vient la prévenir : le ministre de l’Autorité palestinienne Ziad Abou Ein est décédé, peu de temps après une altercation avec la police des frontières. Zoabi allume la radio, écoute les nouvelles en hébreu et paraît très secouée par cet incident qu’elle qualifie de « choquant ». Une retenue à laquelle l’élue du parti Balad ne nous avait pas habitués, elle qui multiplie les tirades véhémentes sur les agissements d’Israël.
Des mots qui lui ont valu d’être au centre de controverses bruyantes. En 2012, elle est interdite de candidature aux élections de la 19e Knesset pour sa participation à l’opération Mavi Marmara deux ans plus tôt. Mais la Cour suprême casse le jugement. Zoabi est réélue et continue sur la voie de la provocation. Cette année, la députée a été suspendue par la commission éthique de la Knesset pour 6 mois en juillet. Motif : ses propos très rudes après l’enlèvement d’Eyal Yifrah, Naftali Fraenkel et Gil-Ad Shaer, affirmant que les auteurs palestiniens de l’enlèvement n’étaient « pas des terroristes ». Zoabi a de nouveau déposé plainte auprès de la Cour suprême, mais la violence de ses propos a soulevé l’opprobre des juges et sa requête n’a pas abouti.
Pour elle, il s’agit d’« une décision politique, pas judiciaire ». « Il est évident que la Cour a été influencée par mes opposants politiques », dénonce-t-elle. « Le tribunal se devait d’être le rempart final contre la tyrannie de la majorité, mais il n’a pas assumé ce rôle ».
La députée avait fait appel de la décision en octobre, prononçant un discours passionné devant la Knesset, et affirmant qu’elle avait le droit de s’exprimer même si ses propos ne plaisaient pas aux parlementaires. Zoabi a toujours bénéficié du droit de s’exprimer devant le parlement. Mais à force de déclarations haineuses, elle avait exacerbé la colère de ses collègues qui s’étaient prononcés à 68 contre 12 pour le maintien de son exclusion, la poussant à demander une audience devant la Cour suprême.
Cette semaine, la Cour n’a donc pas tranché en sa faveur. La juge Esther Hayout a déclaré lors de l’audience ne pas comprendre « comment une personne qui se proclame avocate de la non-violence peut estimer que celui qui kidnappe des enfants n’est pas un terroriste ».
Zoabi se défend. Elle estime n’avoir enfreint aucun des critères que la commission prend en compte (menacer, provoquer, humilier, ou diffamer un autre député, entre autres). De plus, l’accusée considère que la sanction infligée est disproportionnée : « Que j’aie écopé de la sanction maximale est tout à fait démesuré et discriminatoire. Beaucoup de députés ont prononcé des discours plus extrémistes ou fait des déclarations plus nuisibles que moi et la commission ne les a pas jugés. »
Bien que son exclusion prenne fin en janvier et que la Knesset ait voté sa dissolution et la tenue de nouvelles élections en mars, Zoabi maintient que sa condamnation l’empêchera de participer à des discussions importantes. « Le pire pour moi, c’est que non seulement cette décision me délégitime en tant que parlementaire, mais qu’elle délégitime mes opinions politiques, basées sur mon combat pour la démocratie et le droit des peuples à l’égalité et la justice », dit-elle. Zoabi parle de démocratie et du droit des peuples quand cela l’arrange. Une des raisons de sa suspension est son appel à « assiéger Israël au lieu de négocier avec lui », violant tous les principes de paix et de tolérance qu’elle avance pour se défendre.
Victime d’une campagne de diffamation ?
La politicienne de 45 ans se souvient. Avant sa première élection en 2009, elle ne s’attendait pas à ce que son mandat soit facile. Mais elle se dit surprise par la façon dont ses actions sont perçues et interprétées. « Je ne m’attends pas à ce que les gens apprécient mes opinions… Mais l’équité exige que même si vous n’êtes pas d’accord avec mes propos, vous ne manipuliez pas mes déclarations pour mener une campagne de diffamation perpétuelle contre moi. »
Elle confie qu’au fil des années, les attaques constantes à son égard lui donnent le sentiment d’être déshumanisée. En juillet, un sondage de la chaîne parlementaire révélait que 89 % des Juifs israéliens étaient favorables à ce que Zoabi soit déchue de sa citoyenneté.
« Je suis une femme, une femme féministe, et pour moi, la justice et la dignité sont des valeurs importantes. J’ai été élevée dans les valeurs humanistes, avec l’idée que l’être humain est la chose la plus précieuse qui soit, pas l’idéologie ou la terre. L’être humain est au cœur de mes opinions politiques et de ma philosophie. » L’être humain peut-être, mais apparemment pas les adolescents israéliens, puisque Zoabi avait appelé Mahmoud Abbas à ne pas participer aux efforts de recherche pour les retrouver.
Et la députée continue de jouer les victimes. Elle affirme que l’indignation suscitée par ses prises de position est un « des indicateurs de la faiblesse du système politique israélien. Il n’y a aucune réponse politique à mes arguments, revendications et accusations ; quand vous n’avez pas de réponse politique convaincante, vous utilisez le discours de la haine ».
Zoabi soutient que, si elle était juive, elle ne serait pas critiquée par l’intelligentsia et les élites.
Pour elle, c’est parce qu’elle est arabe et femme, qu’elle est aujourd’hui la cible des critiques. Jamais elle ne revient sur la violence de ses propos ou l’impertinence de ses actions. Au mois d’août, en plein conflit entre Israël et le Hamas, Zoabi s’était rendue au Qatar afin de rencontrer, entre autres, l’ancien député Azmi Bishara, qui a fui Israël en 2007 après avoir été accusé de traîtrise. Il avait fourni des renseignements au Hezbollah pendant la seconde guerre du Liban.
Celle qui dénonce l’absence de démocratie israélienne se présentera pourtant aux prochaines élections. Balad risque de s’allier avec la Liste arabe unifiée-Ta’al et Hadash, parti judéo-arabe, dans le but de remporter plus de sièges à la prochaine Knesset. Zoabi espère qu’une liste unie remportera le soutien de la rue arabe, mais pas seulement… Une alliance avec Hadash permettrait selon elle d’attirer des électeurs juifs, qui sont déjà quelques-uns à voter pour le parti communiste antisioniste Hadash. « Il n’y a aucun obstacle à ce qu’il y ait plus d’un juif sur la liste commune – et pas uniquement de Hadash, pour Balad aussi ».
© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite