Entebbe, leçon de courage

« Lorsque nous sommes déterminés à protéger notre peuple, aucun terroriste ne peut nous vaincre. Aucun lieu n’est inaccessible. Aucune opération n’est trop compliquée. »

Les otages libérés de retour en Israel  (photo credit: DR)
Les otages libérés de retour en Israel
(photo credit: DR)
Israël a connu d’autres opérations militaires, peut-être plus complexes ou de plus grande importance historique que l’opération Yonatan. Pourtant, aucune d’entre elles ne nous impressionne autant que le sauvetage d’Entebbe. Quarante ans plus tard, le triomphe alors enregistré par Tsahal fait toujours autant parler de lui, même en dehors d’Israël. Les stratèges et les chefs militaires qui ont planifié et exécuté l’opération ont prouvé aux Israéliens et au monde entier que nous étions déterminés à protéger notre peuple. Aucun terroriste ne peut nous vaincre. Aucun lieu n’est inaccessible. Aucune opération n’est trop compliquée.
Les milliers de kilomètres que les avions israéliens ont dû parcourir pour atteindre l’Ouganda ne sont pas la seule raison qui a conféré à cette mission une place particulière dans l’histoire. Ce n’est pas non plus sa planification méticuleuse et son exécution presque sans faille. Ce qui distingue l’opération Yonatan de toutes les autres, c’est la détermination du gouvernement israélien à embrasser le dicton talmudique selon lequel « tous les juifs sont responsables les uns des autres ». Voilà ce qui rend cette mission si spéciale. En cette nuit fatidique du 4 juillet 1976, nous avons prouvé que nous avions su conserver la Torah et les valeurs éthiques héritées des prophètes hébreux pendant toutes ces années passées en diaspora, pour les ramener avec nous sur la Terre d’Israël. Ce ne sont pas des paroles vides de sens ou des slogans usés. Nous avons montré que derrière ces mots, se tenaient un pays et un peuple prêts à utiliser leurs corps et leurs esprits pour sauver d’autres juifs. Nous avons montré que le bras étendu de l’Etat d’Israël sera toujours disposé à prêter assistance à des juifs en danger, où qu’ils se trouvent et quels que soient les risques encourus.
Héros sur le terrain
Derrière cette promesse, se sont tenus des dirigeants et des soldats. Ensemble, ils se sont embarqués pour un long voyage dont ils n’étaient pas sûrs de revenir. Je voudrais rendre hommage à deux des commandants qui ont pris part à l’opération, et ont fait preuve, autant l’un que l’autre, de précision et d’audace. Le prix qu’ils ont dû payer était élevé : Yoni Netanyahou est mort dans la bataille, comme certains otages. Je connaissais bien Yoni. Jusqu’à quelques jours avant l’opération, j’étais son adjoint au sein de la Sayeret Matkal. Il était de l’étoffe de ces héros des temps anciens, de l’époque du royaume d’Israël, ayant endossé l’uniforme militaire de l’Etat juif moderne pour partir en guerre. Ses lettres sont un témoignage vivant de ses doutes, de sa douleur, de son désir, de sa vision de l’avenir, et de ses réflexions sur le passé. Il était à la fois réfléchi et intrépide. Très peu de gens l’égalaient. Dan Shomron était le commandant du bataillon 890. Un des chefs militaires les plus courageux et en même temps les plus modestes que j’aie jamais connu. Ayant gravi les échelons dans les parachutistes et l’infanterie, il s’est vu confier l’opération Yonatan, qui allait le faire connaître du grand public. Quelques années plus tard, il sera intronisé 13e chef d’état-major de Tsahal.
Lors de l’opération Yonatan, je commandais les forces de sécurité qui comptaient quatre véhicules blindés dotés d’une grande puissance de feu et chargés sur des avions de transport Hercules. Alors que le rôle de Yoni était de neutraliser les terroristes, notre travail consistait à défaire l’armée ougandaise au cas où elle décidait d’intervenir, détruire les avions de chasse au sol (dont la « Force aérienne » ougandaise) pour couper le terminal militaire de tout renfort éventuel, et intervenir contre toute autre force étrangère. A la fin de l’opération, nous devions couvrir nos forces pour qu’elles puissent évacuer les otages et charger les Hercules, puis décoller d’Entebbe pour Nairobi afin de faire le plein, et enfin rentrer à la maison.
Dans la pratique, chaque étape de la mission a été réalisée avec succès. Tous les combattants et les commandants ont fait preuve d’un courage impressionnant. Chaque individu est allé au-delà des exigences normales de son rang et sa position.
Mais si la mission a réussi, c’est aussi parce que nos dirigeants politiques – le Premier ministre Yitzhak Rabin et son ministre de la Défense Shimon Peres – ont approuvé cette opération audacieuse. Malgré les nombreux doutes.
L’audace des dirigeants
A partir du moment où le chef d’état-major Motta Gur s’était prononcé en faveur de la mission, le poids de la décision était entre les mains du Premier ministre. Yitzhak Rabin était familier du fonctionnement interne de Tsahal, de ses capacités et du courage de ses commandants. Mais cette opération était particulièrement dangereuse. Non seulement, il nous manquait des éléments importants du renseignement, mais il n’y avait pas non plus d’alternative. De plus, nous manquions de temps. Rabin a donné son approbation avant même que le plan ne soit révélé au cabinet. Ses membres ont été informés qu’ils devaient prendre une décision avant que les avions ne soient à mi-chemin d’Entebbe, pour qu’ils aient suffisamment d’essence pour faire demi-tour, en cas d’annulation. Au cours des premières heures de vol, nous ne pensions qu’à une chose : la mission allait-elle être approuvée ?
Le courage affiché par le Premier ministre d’alors témoigne de sa détermination à suivre le chemin que nous avions choisi en tant que nation, et à honorer nos promesses en tant que leaders du peuple juif. Aujourd’hui, avec 40 ans de recul, je sais que c’est l’audace politique, plus que tout autre, qui nous a permis de réussir. Rabin avait préparé une lettre de démission. Il était prêt à assumer l’entière responsabilité si, à Dieu ne plaise, la mission devait échouer. L’opération Yonatan nous donne une excellente leçon de leadership, sur la façon dont nous pouvons mettre de côté nos intérêts personnels pour nous concentrer sur nos intérêts nationaux. Les dirigeants de l’époque n’ont pas eu peur de se mettre personnellement en danger, animés du désir intense de voir Israël triompher.
Notre moral aussi en est sorti vainqueur, tout comme notre promesse de nous protéger les uns des autres et d’extraire nos frères et sœurs de la main de la terreur. La victoire a été entachée par la douleur de la perte de Yoni et des otages assassinés, mais Israël était en mesure de se tenir droit dans la lumière de l’étonnant courage dont nos dirigeants et nos soldats avaient fait preuve. Le monde entier a été surpris, et a applaudi l’Etat juif, pour sa vaillance, son imagination et sa capacité d’exécution. Nous devons nous souvenir de ces dirigeants courageux, et progresser sur la route qu’ils ont pavée. 
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