50 ans de plans de paix

Comment découper une terre convoitée ? Retour sur les initiatives de partage restées lettre morte en dépit de l’imagination des politiques

Sadate, Carter et Begin en 1978 (photo credit: GPO)
Sadate, Carter et Begin en 1978
(photo credit: GPO)
Judée-Samarie, Cisjordanie. Quel que soit son nom, cette région de quelque 5 640 kilomètres carrés détient le triste privilège d’être la zone la plus disputée au monde. La beauté et la variété des paysages – l’aridité du désert à laquelle succèdent des terres arables, des vallées verdoyantes, des sources et des champs d’oliviers –, n’ont pourtant rien à voir avec cette convoitise. Ce qui est en jeu, c’est l’histoire millénaire de cette terre, qui conduit Palestiniens et Israéliens à se battre depuis des décennies pour en acquérir la propriété.
Pour les juifs, cette terre est celle de la Bible : celle où leurs ancêtres ont vécu et sont enterrés, celle où ils ont édifié leurs lieux saints, où ils ont combattu pour pratiquer leur religion, où ils ont été massacrés, d’où ils ont été expulsés et où ils sont enfin revenus. Pour les Palestiniens, cette terre était la leur avant 1948, avant le partage de la Palestine ; elle est celle d’où ils ont été chassés, et où ils rêvent de revenir pour y créer leur propre Etat.
Cette terre a été conquise par Israël après une guerre éclair défensive de six jours en juin 1967, destinée à contrer les attaques et les menaces des pays arabes voisins. Depuis, il y a eu un nombre incalculable de propositions sur la manière de diviser, ou d’annexer cette région à Israël. Certains de ces plans étaient réalistes, d’autres, tout simplement inapplicables. Quoi qu’il en soit, aucun ne s’est concrétisé par un accord définitif. Voici un rappel historique de tous les projets proposés pour tenter de trouver une solution de paix entre Israéliens et Palestiniens.
Plans historiques
Un des plans les plus anciens a été présenté après la guerre des Six Jours par Yigal Allon, ministre travailliste. Son idée était de permettre à Israël de disposer de frontières sécurisées « défendables », sans modifier significativement l’équilibre démographique du pays.
Israël devait annexer une bande frontalière d’une quinzaine kilomètres de large le long du Jourdain, s’élargissant à l’ouest de la mer Morte jusqu’aux abords de Hébron, pour créer ainsi une zone tampon et éviter d’éventuelles attaques provenant de l’est. Le plan prévoyait également l’annexion du Goush Etzion à l’est de Jérusalem, des contreforts de Latrun et d’une partie du désert de Judée à l’ouest pour protéger Jérusalem, qui resterait contrôlée par Israël. En résumé, un tiers de la Judée-Samarie devait être intégrée à l’Etat juif, tandis que les deux tiers restants devaient revenir aux Palestiniens.
Au départ, Yigal Allon avait même prévu d’annexer Gaza, mais après réflexion, il est apparu que la bande côtière devait, à terme, faire partie d’un Etat fédéral Palestine-Jordanie. La zone comprise entre les collines de Judée et la Ligne verte, où vivent la plupart des Palestiniens, ne serait pas annexée et deviendrait soit une région palestinienne autonome, soit une partie de la Jordanie reliée par un corridor près de Jéricho. Une route israélienne serait construite pour permettre aux Israéliens d’accéder à ce corridor, tandis qu’une route palestinienne relierait Bethléem en Judée, à Ramallah en Samarie.
Le gouvernement n’a jamais formellement adopté ce plan, mais jusqu’à l’arrivée au pouvoir de la droite et de Menahem Begin en 1977, il a servi de base au parti travailliste pour définir sa politique vis-à-vis des Palestiniens et des implantations juives en Judée-Samarie. Au cours des dix années qui ont suivi la guerre des Six Jours, le parti travailliste a décidé de créer 21 implantations dans la vallée du Jourdain et le long des collines à l’est de la Samarie, une zone qui devait, par la suite, revenir à Israël, selon les contours de ce plan. La première implantation, en septembre 1967, a été celle de Kfar Etzion (site historique de plusieurs batailles en 1948), suivie par celles du Goush Etzion.
Cependant, le roi Hussein de Jordanie a rejeté les propositions du plan Allon lors de discussions secrètes conduites avec le Premier ministre Levi Eshkol en septembre 1968, estimant que ce projet « violait la souveraineté jordanienne ». Malgré tout, ce schéma a continué pendant de nombreuses années à servir de ligne de conduite au parti travailliste.
Mais en 1977, les Israéliens ont élu Menahem Begin, dont la vision était alors totalement différente. Après la signature des accords de Camp David la même année, ce dernier a dévoilé devant la Knesset son plan d’autonomie.
Celui-ci ne prévoyait pas la création d’une quelconque confédération, mais instaurait le principe d’un gouvernement autonome pour les Palestiniens. « Avec la paix, les habitants arabes de Judée-Samarie ainsi que ceux de Gaza jouiront d’une pleine autonomie administrative », a-t-il dit en présentant les contours de son projet. Le plan établissait une autonomie administrative pour les habitants arabes, et l’abolition du régime militaire dans cette région. Les Palestiniens devaient élire un comité de 11 membres responsables des secteurs de l’éducation, des transports, de la construction, de l’industrie, de l’agriculture, de la santé, de l’emploi, de l’insertion des réfugiés, de l’administration et du contrôle des forces de police locales. Les Israéliens, de leur côté, resteraient responsables de la sécurité et du maintien de l’ordre. Il était prévu que les habitants de cette zone puissent choisir la nationalité jordanienne ou israélienne. S’ils se déterminaient pour la seconde option, ils pourraient voter, acheter des terres et s’installer en Israël. De leur côté, les Israéliens devaient être autorisés à acquérir des terrains et à s’installer partout en Judée-Samarie et dans la bande de Gaza.
Menahem Begin a présenté son projet aux présidents américain et égyptien, Jimmy Carter et Anouar el-Sadate. Des discussions préliminaires ont débuté, mais les Palestiniens ont refusé d’y participer ; la plupart des pays arabes s’y sont quant à eux opposés, estimant que les droits des Palestiniens n’étaient pas suffisamment respectés.
Ce plan a été progressivement abandonné après l’adoption par la Knesset en 1980 de la Loi sur Jérusalem proclamant la Ville sainte comme la capitale une et indivisible de l’Etat juif, et après l’assassinat d’Anouar el-Sadate en 1981. Les discussions à son sujet se sont totalement arrêtées avec la guerre du Liban en 1982.
Les initiatives de la droite
« Quel est donc votre plan ? », demande-t-on constamment à ceux ou celles qui, au sein des partis de droite, sont opposés à une solution à deux Etats. Beaucoup sur ce sujet rejoignent la déclaration de l’ancien secrétaire d’Etat américain, John Kerry : « Une solution à deux Etats n’est peut-être pas parfaite, mais elle est la seule alternative viable », avait-il lancé lors d’un discours prononcé en décembre 2016, au cours duquel il avait dénoncé la politique des implantations du gouvernement israélien.
Le camp de la droite, de son côté, réfute en bloc cette affirmation, et présente d’autres solutions comme l’extension de la souveraineté israélienne à toute la Judée-Samarie et l’incitation des Palestiniens à quitter les territoires, ou l’annexion de la zone C avec l’octroi de la nationalité israélienne aux 80 000 Palestiniens qui y vivent. En ce qui concerne Gaza et ses 1,8 million d’habitants, personne ne plaide pour son annexion.
A l’extrême droite du spectre politique, Moshé Feiglin, ancien député du Likoud et farouche opposant aux accords d’Oslo, a proposé un plan qui prévoit l’annexion de la totalité de la Judée-Samarie, s’articulant autour de quatre points principaux : l’annexion de toute la région et la souveraineté juive sur tout le territoire ; le choix pour la population arabe entre différentes options : émigrer volontairement avec l’octroi d’une généreuse subvention, recevoir un statut de résident permanent (équivalent à la Carte verte aux Etats-Unis) mais sans droit de vote, ou « se déclarer loyal à l’Etat juif comme les Druzes » et ainsi pouvoir demander la citoyenneté israélienne, via un long processus ; encourager les juifs à immigrer en Israël, et construire massivement en Judée-Samarie pour pouvoir accueillir les nouveaux immigrants.
Toujours au sein de la droite, une solution radicalement différente a été élaborée par le ministre de la Défense, Avigdor Liberman. Il propose de considérer toute la terre de la Méditerranée à la Jordanie – à l’exception de la bande de Gaza – et de la partager en fonction des foyers de population. Dans ce plan, d’importants blocs d’implantations juives seraient intégrés à Israël, tandis que la région du « Triangle » (groupe de villes et villages arabes israéliens contigus à la Judée-Samarie, situés au sud-est de Haïfa) à forte densité démographique d’Arabes israéliens ferait partie d’un Etat palestinien. Une solution parfois mal interprétée et présentée comme un transfert de population, ce qui n’est pas le cas. Ce projet prévoit de redéfinir le tracé des frontières, mais sans déplacer les Arabes israéliens de leurs habitations actuelles. Un résident d’Umm el-Fahm, par exemple, resterait chez lui, mais ne serait plus citoyen israélien ; il deviendrait citoyen d’un Etat palestinien, après la modification des frontières.
Si Liberman n’a pas précisé les contours exacts de ces nouvelles frontières, son idée est claire : il s’agit d’intégrer le maximum de juifs en Israël et, à l’inverse, faire en sorte que le maximum d’Arabes israéliens deviennent citoyens d’un futur Etat palestinien. Pragmatique avant tout, son plan met en avant le principe qu’un peuple unifié est plus important qu’une terre unifiée.
Faire du neuf avec du vieux
Certains anciens plans de paix ont été reformulés et actualisés, en tenant compte de nouveaux paramètres. C’est le cas du plan d’Yigal Allon. Bien que conçu il y a 50 ans, sa trame sert encore de référence à de nombreux hommes politiques.
Ainsi Yoaz Hendel, qui dirige un think tank, l’Institut pour des stratégies sionistes, ancien porte-parole de Benjamin Netanyahou, propose qu’Israël annexe progressivement les blocs d’implantations situés en Judée-Samarie ; en compensation, l’AP exercerait son autorité sur un Etat palestinien démilitarisé avec des frontières provisoires. Dans les territoires disputés où vivent des Israéliens et des Palestiniens, chacun adopterait la nationalité qui lui revient, tandis que la sécurité resterait dans les mains des Israéliens.
Le plan de Yoaz Hendel s’articule autour des trois grandes régions définies dans le cadre des accords d’Oslo : la zone A (18 % du territoire) où vivent la majorité des Palestiniens et où l’Autorité palestinienne exerce son contrôle militaire et civil, une zone B (22 % du territoire), sous régime mixte avec un contrôle civil palestinien et un contrôle militaire et sécuritaire conjoint avec les Israéliens, et enfin la zone C (60 % du territoire), entièrement sous contrôle israélien et où sont installées les grandes implantations et les bases militaires de Tsahal.
« L’option la plus réaliste et la plus adaptée dans les circonstances actuelles est de tracer les frontières selon les zones de peuplement. La plupart des Palestiniens (98 % de ceux vivant en Judée-Samarie) sont installés dans les zones A et B, sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. Ils sont concentrés sur 40 % de la région, alors que la plupart des Israéliens sont regroupés sur 12 % du territoire, dans les grands blocs d’implantation », expliquait en 2014 Yoav Hendel. « Le reste, soit 48 % du territoire, est peuplé de 100 000 Israéliens et d’un nombre équivalent de Palestiniens. Les territoires palestiniens doivent faire partie d’un Etat démilitarisé avec des frontières provisoires et continues suivant celles délimitées pour les zones A et B ; quant aux grands blocs d’implantation, ils doivent être annexés à Israël. Ainsi, les territoires disputés seront réduits de moitié », a-t-il plaidé.
Le plan de Menahem Begin qui date de 1977 est également à la source d’autres solutions proposées par certains politiques de droite. C’est le cas du député Likoud Yoav Kisch qui a défini son « plan d’autonomie », sur les principes de celui de l’ancien Premier ministre Menahem Begin. Ce dernier prévoit l’annulation des accords d’Oslo, le démantèlement de l’Autorité palestinienne, l’extension de la souveraineté israélienne sur toute la Judée-Samarie à l’exception d’une portion de 38 % sous contrôle palestinien. 15 % du territoire total le long de la région autonome, espace désigné zone I (Israël), sous souveraineté israélienne, seraient utilisés pour construire un réseau routier permettant de relier les différentes zones autonomes.
Les citoyens arabes de Judée-Samarie n’habitant pas dans les zones autonomes seraient éligibles à la citoyenneté israélienne, ou, dans le cas contraire, demeureraient résidents des zones autonomes. La gestion de ces terres serait à définir par la suite, mais l’idée centrale est d’accorder le maximum d’indépendance administrative aux Palestiniens, tout en préservant les intérêts d’Israël.
Le parti HaBayit HaYehoudi (le Foyer juif) dirigé par Naftali Bennett a également défini son propre projet. Il part du principe qu’un Etat palestinien existe déjà avec Gaza, qui remplit toutes les conditions propres aux nations (population et frontières définies, gouvernement pouvant mener des opérations militaires, possibilité de nouer des relations avec d’autres pays). Le scénario du parti sioniste religieux est d’accorder à Israël le contrôle de la totalité de la zone C (60 % du territoire de la Cisjordanie) où vivent 400 000 Israéliens. Les 80 000 Palestiniens qui y vivent également pourraient recevoir la nationalité israélienne ou le statut de résident, une solution visant à éviter un déséquilibre démographique. Les zones A et B seraient autonomes, à savoir que les Palestiniens géreraient leurs propres services de santé, postaux, leur système éducatif, l’organisation des élections et la collecte des impôts. Toutefois, précise Bennett, cette autonomie ne signifie pas qu’il s’agirait d’un Etat à part entière, car deux restrictions majeures seraient imposées : interdiction de maintenir une armée et d’intégrer les quelques millions de descendants des réfugiés de 1948.
Les plans du centre et de la gauche
Si certaines propositions de la droite sont radicales comme l’annexion pure et simple de tous les territoires conquis, la gauche n’est pas en reste et suggère aussi des solutions extrêmes, tel un retrait total des territoires.
Mais peu d’Israéliens sont favorables à de tels schémas, c’est pourquoi tant de variantes sont proposées. Cela dit, toutes les versions des plans de paix de la gauche s’articulent autour de deux questions centrales : de quelles zones et de quelles superficies les Israéliens sont-ils prêts à se retirer, et quels territoires l’Etat hébreu pourrait-il céder dans le cadre d’un échange de terres ?
La pierre angulaire de ces discussions est le plan de paix dénommé Beilin-Abou Mazen, conçu lors de négociations secrètes menées de 1993 à octobre 1995 entre Yossi Beilin, alors vice-ministre travailliste des Affaires étrangères, et Mahmoud Abbas, à l’époque l’adjoint de Yasser Arafat.
Beilin espérait avoir le feu vert d’Yitzhak Rabin pour son plan, mais le Premier ministre a été assassiné quelques jours après la présentation de celui-ci. Par la suite, Abbas s’en est désolidarisé, mais ce document a malgré tout continué à servir de trame pour de nombreuses autres propositions qui ont suivi, même s’il n’a jamais été officiellement approuvé et publié.
Le plan Beilin-Abou Mazen introduisait le principe d’un échange de terres, avec l’idée centrale qu’Israël conserverait les grands blocs d’implantation, soit quelque 4,5 % de la superficie de la Judée-Samarie. En échange, l’Etat juif céderait une portion similaire aux Palestiniens, principalement près de la frontière égyptienne, ainsi qu’un « corridor sécurisé » pour permettre aux Palestiniens de circuler entre Gaza et la Judée-Samarie. Conserver le maximum d’habitants des implantations à l’intérieur d’Israël, et le minimum à l’extérieur des frontières, était la ligne directrice de ce plan.
Dans ce cadre, Jérusalem devait devenir une ville sous administration conjointe arabe et israélienne : les quartiers juifs devaient être gérés par Israël ainsi que ceux au-delà de la Ligne verte, et les Palestiniens auraient autorité sur les quartiers arabes. Ces derniers auraient eu l’autorisation de hisser leur drapeau sur le mont du Temple, mais le site serait demeuré sous souveraineté extraterritoriale. La nouvelle Jérusalem devait également comprendre les implantations de Maale Adoumim et de Guivat Zeev.
Des offres plus que généreuses
C’est sur la base de ce plan que des négociations ont été conduites par Ehoud Barak en 2000 à Camp David. Il était prévu qu’Israël cède 91 % de la Judée-Samarie et la totalité de Gaza, en échange de l’annexion de 9 % de la région ; autre aspect : l’Etat juif devait céder 1 % de territoire à l’intérieur d’Israël, dans le cadre d’un échange de terres.
La ville de Kiryat Arba, quant à elle, devait devenir une enclave israélienne à l’intérieur de l’Etat palestinien, reliée par une route venant du sud. Il était prévu que 80 % des habitants des implantations restent dans les zones qui reviendraient à Israël, tout comme la région de Latrun. La Judée-Samarie et Gaza, enfin, devaient être reliées par une route construite en hauteur.
Sous l’impulsion du président américain Bill Clinton, des ajustements ont été proposés pour tenter d’atteindre un compromis, les fameux « paramètres Clinton ». Israël a finalement accepté de céder 94 à 96 % de la Judée-Samarie, ainsi que 1 à 3 % de son territoire actuel en dédommagement des terres annexées.
Selon ce plan, un passage protégé permanent relierait la bande de Gaza à la Cisjordanie, permettant d’assurer la continuité territoriale à l’intérieur de l’Etat palestinien. L’idée étant de pénaliser le moins possible de Palestiniens par ces modifications, tandis que 80 % des habitants des implantations seraient regroupés en Israël.
Lorsque ces négociations entre Barak, Clinton et Arafat ont échoué, un nouveau round de discussions a été entrepris à Genève. Yossi Beilin a repris du service en 2003, mais plus en tant que membre du gouvernement ; son nouvel interlocuteur a été le ministre de l’Information palestinien, Yasser Abed Rabbo. Cette initiative prévoyait un Etat palestinien indépendant, démilitarisé et délimité par les frontières de 1967, mais avec quelques légères modifications accordant à Israël six implantations en Samarie occidentale : le Goush Etzion (à l’exclusion d’Efrat), Guivat Zeev, Maale Adoumim, Har Adar près de Jérusalem et les quartiers juifs de Jérusalem-Est et de la Vieille Ville. Le reste devait être cédé aux Palestiniens. Une autorité religieuse indépendante était censée contrôler les lieux saints à Jérusalem ; le mont du Temple aurait été sous souveraineté palestinienne, et le Mur occidental sous souveraineté israélienne.
L’initiative de Genève a également échoué, mais a permis en 2008 au Premier ministre de l’époque, Ehoud Olmert, de présenter, après une trentaine de rencontres avec Abbas, son propre projet de paix lors des tout derniers jours de son mandat.
Olmert n’a toutefois pas fourni de documents officiels ni de carte précise, et Mahmoud Abbas s’est contenté de griffonner quelques éléments sur des feuilles volantes. Basé sur le principe de « deux Etats pour deux peuples », Olmert a proposé des échanges de territoires en s’inspirant de l’initiative de Genève. Selon ce plan, Israël annexerait quelque 6,3 % de la Judée-Samarie, mais céderait 5,8 % de son territoire pour un futur Etat palestinien. A l’inverse des propositions de Genève, deux autres grands blocs d’implantations, Ariel et Efrat, seraient intégrés en Israël.
Quant à l’épineuse question de Jérusalem, Ehoud Olmert proposait que chacun des deux pays y établisse sa capitale dans la partie de la ville qu’il contrôlerait, à l’exception des lieux saints, de la Vieille Ville, du mont des Oliviers et de la cité de David, qui devaient être gérés par une entité de cinq pays. Abbas n’a jamais répondu à cette offre.
Un an plus tard, en 2009, l’ancien ministre de la Défense Shaoul Mofaz – à l’époque membre du parti du centre Kadima – a dévoilé son propre plan. Il a appelé à la création immédiate d’un Etat palestinien sur 60 % du territoire de Judée-Samarie, comprenant toute la zone A, la zone B et 20 % de la zone C, pour permettre une continuité territoriale. Ces frontières devaient toutefois être provisoires : parallèlement, les négociations se poursuivraient afin de conclure un accord définitif.
A terme, Shaoul Mofaz prévoyait l’édification d’un Etat palestinien sur 92 % de la Judée-Samarie. Il prévoyait que les blocs d’implantation soient rattachés à Israël mais de manière plus large que dans l’offre de Ehoud Olmert. Sur la question de Jérusalem, Shaoul Mofaz a estimé qu’il n’y avait aucune chance de conclure un accord si Jérusalem était divisée. Pour l’ancien général, le temps joue à la fois contre les Palestiniens et les Israéliens, c’est pourquoi il plaidait pour une application immédiate de son plan sans même attendre un accord, une nouveauté par rapport à toutes les autres propositions.
Les successions d’échecs ont conduit le camp de la gauche et du centre à ne plus suggérer de feuilles de route dans l’espoir de conclure un accord. Ils proposent avant tout des schémas pour ramener les interlocuteurs autour de la table des négociations ou à l’extrême, émettent l’idée d’une séparation unilatérale d’avec les Palestiniens.
Au sein du Camp sioniste, parti d’opposition, les députés Yitzhak Herzog, Erel Margalit, Amir Peretz et Hilik Bar ont tous proposé des plans plus ou moins équivalents, qui varient cependant sur la manière de relancer les négociations, et sur la taille et le nombre de blocs d’implantation à conserver en Israël.
Le député Omer Bar-Lev (travailliste), lui, est favorable à une démarche unilatérale vers la « séparation ». Israël, selon lui, doit se séparer des Palestiniens pour conserver son identité juive et son statut de démocratie. Il serait, certes, plus judicieux de négocier les termes de la séparation, dit-il, mais en l’absence de partenaire, c’est l’unique solution.
Il propose un gel des implantations à l’exception des constructions dans les blocs existants, l’adoption d’une loi d’indemnisation à la Knesset pour accorder de généreuses subventions aux habitants des implantations hors des grands blocs et qui veulent s’installer en Israël ; il propose également d’élargir de 20 % la zone B (où les Palestiniens ont le contrôle civil et Israël le contrôle sécuritaire) en prenant une partie de la zone C, et d’évacuer les quelque 35 000 habitants des implantations qui vivent dans cette portion. Une fois la séparation effective, Bar-Lev espère que les deux parties seraient en mesure de négocier un accord final. Son projet prévoit qu’Israël cède 95 % de la Judée-Samarie et évacue un total de 70 000 habitants des implantations.
Et pourquoi pas une confédération ?
Pour les pays européens et les Etats-Unis, il a été longtemps communément admis que la seule possibilité pour résoudre le conflit israélo-palestinien, passait par la création de deux Etats. Mais les mentalités sont en train d’évoluer sur cette question. Le président américain Donald Trump a ainsi signifié lors de sa conférence de presse avec le Premier ministre Benjamin Netanyahou à Washington en mars dernier, que peu lui importait la solution – un Etat ou deux Etats – l’essentiel étant de parvenir à un accord. Cette remarque, largement critiquée au niveau international, montre que Trump est prêt à réfléchir à des solutions différentes, qui sortent des sentiers battus.
L’établissement d’une confédération, non pas entre l’Etat palestinien et la Jordanie, mais entre la Palestine et Israël,est une suggestion innovante. Le président israélien Reouven Rivlin est partisan d’une telle solution, même si pour l’instant, elle reste encore floue. En décembre 2015, le chef de l’Etat a ainsi indiqué à des journalistes français, que la solution au conflit pourrait résider dans la création d’un Etat palestinien au côté d’Israël dans le cadre d’une confédération. « Il y aurait une confédération », a-t-il dit, « avec deux Parlements et deux Constitutions, mais avec une seule armée, celle d’Israël. Les décisions concernant les deux pays composant la confédération seraient prises ensemble. »
Ces derniers mois, cette idée a fait son chemin parmi certains Israéliens et Palestiniens, dont une partie des habitants des implantations, qui ont dénommé ce scénario « deux Etats, une patrie », à savoir deux Etats souverains sur une même terre. Les citoyens de ces deux Etats pourraient se déplacer et vivre là où ils veulent. Chaque pays pourrait accueillir des citoyens de l’autre pays en tant que résidents permanents.
Ainsi les Israéliens pourraient rester sur la terre biblique, celle de leurs ancêtres, et les Palestiniens pourraient retourner dans les villages abandonnés en 1948 à l’intérieur de la Ligne verte, par les précédentes générations. Dans ce cadre, les résidents permanents israéliens en Palestine voteraient lors des élections à la Knesset, alors que les résidents palestiniens permanents en Israël voteraient pour leur parlement. Jérusalem, quant à elle, serait une ville unique dont les lieux saints seraient gérés par les représentants des différentes religions et par la communauté internationale. Dans la Ville sainte, les Palestiniens seraient citoyens de la Palestine et les Israéliens, citoyens de l’Etat juif.
Une autre version de confédération a été proposée en 2010 par Giora Eiland, haut gradé de Tsahal en charge de la planification stratégique, et ancien directeur du Conseil national de Sécurité. Son schéma prévoit la création des « Etats unis de Jordanie » composés de trois pays : la Jordanie, la Cisjordanie et la bande de Gaza, tous sous l’autorité d’un gouvernement à Amman. La Cisjordanie et Gaza auraient leur propre budget, leurs institutions, leurs lois et leurs forces de police, à l’image des Etats américains, mais sans autorité sur la politique extérieure ni sur l’armée qui resteraient dans les mains du gouvernement fédéral à Amman. Ce plan a l’avantage, selon Eiland, de permettre aux Palestiniens d’être citoyens d’un grand pays et écarte le risque d’instabilité politique. La Jordanie, de son côté, n’aurait plus à craindre que le Hamas prenne le pouvoir en Cisjordanie ; pour Israël, enfin, cette solution présenterait des garanties de sécurité aux frontières.
Eiland a aussi proposé une alternative innovante avec des échanges de terres entre Israël, l’Egypte et la Cisjordanie, impliquant aussi la Jordanie, comme une sorte de puzzle géant. L’Egypte transférerait quelque 720 kilomètres carrés de terrain, dont 24 le long de la côte méditerranéenne vers El-Arish, aux Palestiniens, pour leur permettre de construire un port et un aéroport aussi loin que possible d’Israël, ainsi qu’une nouvelle ville d’un million d’habitants. Cette zone représenterait environ 13 % de la Judée-Samarie.
En échange, Israël donnerait aux Egyptiens une partie du Néguev, le long de la frontière avec le Sinaï, et autoriserait la construction d’un tunnel de dix kilomètres de long au nord d’Eilat, qui permettrait à la Jordanie d’être reliée à l’Egypte et au golfe Persique, ce passage restant sous l’autorité du Caire. La Jordanie céderait une bande de terre de quelque 5 % de la Judée-Samarie le long du Jourdain au nouvel Etat palestinien ; une perte que l’Arabie saoudite pourrait compenser en acceptant d’être impliquée dans un échange de territoires. L’idée étant que l’Egypte ne soit pas le seul pays arabe à participer à ces échanges.
La Judée-Samarie et Gaza formeraient ainsi le prochain Etat palestinien, dont la superficie serait plus importante que dans tous les autres schémas proposés jusqu’à présent, grâce à l’ajout des terres de la Jordanie et de l’Egypte : la taille du futur Etat serait supérieure de 105 % à celle qui aurait été délimitée par les frontières de 1967. Quelque 13 % de la Judée-Samarie, soit l’équivalent du territoire cédé par l’Egypte, seraient annexés à Israël, cette zone abritant la grande majorité des Israéliens vivant dans les blocs d’implantation.
Depuis la fin de la guerre des Six Jours et la conquête éclair et non préparée de la Judée-Samarie et de Jérusalem-Est par les Israéliens, les scénarios se sont succédé pour tenter de satisfaire les deux parties. Le fait qu’aucun accord n’ait été signé a été le plus souvent dû au refus des Palestiniens. En tout cas, une chose est certaine : ces échecs successifs ne sont pas liés à un manque d’imagination.
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